la Charte d’Amiens

Le texte dit "charte d’Amiens" est un texte adopté par le congrès de la CGT en 1906 à Amiens. A l’époque on appelait ça un "ordre du jour".

Il fait suite à un débat qui a agité la confédération : le syndicalisme doit-il lier son action, et son destin, aux partis politiques, en l’occurrence à l’époque au Parti Ouvrier Français de Jules Guesde.

La réponse du congrès fut : non.

Cette Charte est donc celle de l’indépendance syndicale, mais pas seulement : elle fixe les tâches du syndicalisme, la fameuse "double besogne" : conquérir des améliorations immédiates, et préparer l’émancipation des travailleurs.

Par fidélité à l’indépendance syndicale, les militants de la CGT qui refusaient la mainmise du Parti Communiste Français sur la CGT ont provoqué en 1947 une scission d’où est née la CGT-FO, c’est-à-dire FORCE OUVRIERE.

Depuis plus de 60 ans, FO continue la CGT originelle en étant fidèle dans sa pratique à la Charte d’Amiens.

Léon Laurent, délégué de la Bourse du Travail de Cherbourg, fut l’un des signataires de "l’ordre du jour" proposé au congrès par quelques délégués dont Niel et Pouget.


.la Charte d’Amiens

L'indépendance syndicale fut un des problèmes essentiels du mouvement ouvrier français à la fin du siècle dernier. Pour mettre fin à l'emprise de partis politiques révolutionnaires sur les syndicats, dès 1892 un mouvement se dessina et devint de plus en plus impérieux en faveur de l'autonomie syndicale qui rejeta toute obédience envers les partis politiques quelle que soit leur tendance et leur doctrine et même s'ils soutenaient avec sympathie les revendications ouvrières. 

L'indépendance syndicale triompha donc au Congrès constitutif de Limoges de 1895, par cette affirmation: La CGT groupe, en dehors de toute école politique, tous les travailleurs conscients de la lutte à mener pour la disparition du salariat et du patronat. 

Bien que ce principe fondamental constitue l'article 2 des statuts de la CGT de 1895, le Congrès confédéral de 1901, tenu à Lyon, rappela de nouveau aux militants que l'action syndicale devait conserver sa vie propre et s'affirmer en dehors de toute influence politique. 

Or, les rapports de certains groupements syndicaux avec les partis ouvriers de l'époque, donnèrent lieu à des critiques sévères qui nécessitèrent une nouvelle définition encore plus complète et plus ferme de l'attitude du mouvement syndical envers toute formation de caractère politique. 

C'est au Congrès confédéral d'Amiens de 1906 que le texte de la résolution Griffuelhes fut votée par 824 mandats contre 3, qu'on appelle par son importance historique: La Charte d'Amiens. Elle fut un événement capital dans les annales du mouvement syndical français, en ce sens, qu'elle fixa l'orientation des actions corporatives, strictement délimitées sur le plan économique et social; en proclamant avec force, l'autonomie absolue du syndicalisme et que l'oeuvre revendicatrice de la classe ouvrière pour l'amélioration progressive de sa condition de vie, n'est qu'un aspect de l'action du syndicalisme qui prépare l'émancipation des salariés. 

La motion admettait la liberté d'opinions des syndicalistes, mais précisait que leurs efforts devait s'exercer avant tout dans le domaine économique, contre les abus du patronat: Le Congrès reconnut l'entière liberté pour le syndiqué d'avoir une conviction philosophique ou politique, se bornant à lui demander, en réciprocité, de ne pas introduire dans le syndicat, les opinions qu'il professe en dehors du groupement corporatif... Les organisations confédérées n'ayant pas à se préoccuper des partis et des sectes, qui en dehors et à côté peuvent poursuivre, en toute liberté, la transformation sociale. 

Les principes de la Charte d'Amiens furent respectés jusqu'en 1918. Au lendemain de la première guerre mondiale, les minoritaires communistes tentèrent, en vain, de politiser la CGT. Au Congrès confédéral de 1920, les réformistes réaffirmèrent l'indépendance totale du syndicalisme envers les partis politiques, de même qu'au Congrès de Lille du 25 juillet 1921, les majoritaires refusèrent une fois de plus de trahir la Charte d'Amiens, et ce fut la scission (27 décembre 1921). 

Il est significatif, que deux ans après la réunification de la CGT, le Congrès confédéral de Nantes (1938) se prononça par 16.582 voix pour l'autonomie absolue de la CGT. 

N'admettant pas la direction du parti communiste au sein du mouvement syndical, la tendance Force Ouvrière quitta la CGT en 1947, et se constitua une confédération libre, fondée sur la conception de l'indépendance, définie par la Charte d'Amiens.