Dix ans après la défaite de la Commune, le mouvement syndical commence à respirer et il retrouver sa volonté d'action qui se manifeste dans la reconstitution rapide des associations professionnelles, dans la formation des Fédérations nationales et dans les grèves, parfois violentes. Ainsi les lithographes en 1881, les peintres céramistes de Limoges en 1882, les mineurs de Lens en 1882 et de Demain en 1883, réorganisèrent leurs Chambres syndicales, de même que les tisseurs dont le nombre de syndiqués à Lyon était de 10.000 et à Saint-Etienne de 6.000, de 1881 à 1884. 


D'après le rapport du député Allain-Targé, en mars 1881, 500 Chambres syndicales, dont 150 à Paris, étaient en fonction, avec un effectif de 60.000 syndiqués. Et bien que le nombre des associations ouvrières augmentait (à ce moment, la loi sur les syndicats n'était pas encore votée), séparément, elles n'étaient pas assez fortes pour résister longtemps à l'assaut du patronat et préparer sur une plus grande échelle des actions revendicatives. La concentration des industries et des moyens de production rendait nécessaire la concentration des forces syndicales, d'abord pour les revendications futures, ensuite pour la sauvegarde des intérêts des salariés. Ces considérations justifiaient la création de fédérations nationales qui groupent les syndicats par profession. Leur portée dans la vie corporative était des grande par l'efficacité des décisions promptes et coordonnées qui se révélaient dans des grèves victorieuses. 

Comme nous l'avons déjà dit, à la fin du Second Empire, Eugène Varlin découvrant l'importance que pouvaient avoir des fédérations syndicales, en crée quelques-unes, mais leur développement fut arrêté par la guerre de 1870. C'est seulement quelques années après que les charpentiers, en 1876, les chapeliers en 1879, les typographes en 1881, les mineurs en 1883, les ouvriers des Cuirs et Peaux en 1883, les lithographes en 1884, forment leur fédération nationale. Puis, d'autres corporations, l'une après l'autre, suivent leur exemple. En 1910, 76 fédérations syndicales étaient en activité en France, parmi lesquelles les plus puissantes étaient celles des employés de chemins de fer et des mineurs, puisqu'elles groupaient chacune 30.000 cotisants. 

La fédération nationale ne se limitait pas à la distribution des indemnités de maladie, de chômage, de décès et de viaticum, elle renseignait les syndicats adhérents sur la situation de la main-d'œuvre, leur indiquait les possibilités de travail et les conseillait pour les revendications urgentes à faire. Ainsi la suppression de l'usage du blanc de céruse, du travail aux pièces et l'application générale du label. 

Sur le plan de l'action, son rôle était déterminant en ce sens qu'elle était en mesure de décider et de soutenir les grèves générales, par une contribution financière substantielle et par la puissante force morale qu'elle représentait. En outre, par de vigoureuses campagnes de propagande, elle organisait des milliers de non syndiqués. Deux exemples très significatifs: L'Union des métallurgistes créa de 1903 a 1905, 41 syndicats, grâce à 300 réunions de propagande, tenues dans toute la France, et la fédération des peintres en bâtiment, 17 de 1904 à 1906, ce qui était à l'époque une performance remarquable dans le développement des organisations corporatives. 

La fédération nationale était donc une nécessité vitale pour le syndicat «qui eût été écrasé, comme l'écrivit Paul Louis, s'il eût vécu en marge des autres syndicats. La fédération a été sa sauvegarde et aussi l'instrument indispensable de son expansion».